Le monde a été témoin des inondations catastrophiques à l’île Maurice le lundi 15 janvier 2024 à l’approche du cyclone Belal. En résumé, alors que des pluies torrentielles s’abattaient sur l’île, des Mauriciens vaquaient à leurs occupations avant que les autorités ordonnent aux fonctionnaires de rentrer chez eux. Employés des services publics et du secteur privé se sont ainsi retrouvés piégés dans les bouchons alors que les routes se transformaient en rivières. Bilan, deux morts et plus de 200 véhicules endommagés. Il faut ici, saluer l’intervention des policiers, des pompiers et des volontaires qui ont sauvé des vies.
Beaucoup de choses ont été dites ces cinq derniers jours, le plus souvent sous le coup de l’émotion. Après le passage de Belal, certaines informations ont fuités au milieu du match de ping-pong entre les membres du Gouvernement et le directeur de la Météo, Ram Dhurmea. Force est de constater que ces informations sont parcellaires et n’offrent qu’une perspective biaisée des faits.
Plusieurs hommes de loi réclament ainsi une enquête indépendante voir une enquête judiciaire sur ce qui s’est passé au niveau du National Disaster Risk Reduction & Management Centre (NDRRMC) le 14 et 15 janvier 2024. Je suis de cet avis aussi et l’objectif n’est pas de faire tomber des têtes mais de situer les manquements et les responsabilités pour apprendre et améliorer les choses.
Jusqu’à présent le Gouvernement parle d’enquête mais nul ne sait qui enquête et comment. La transparence n’a jamais été dans l’ADN de ce Gouvernement. De ce fait, libre aux citoyens de faire leur propre enquête et de tirer leurs propres conclusions. Je viens ici contribuer au débat en partageant mon opinion sur les points suivants.
Communication
En situation de crise, la communication est essentielle, celle-ci doit être ponctuelle, claire, précise et utile. À mon humble avis, la communication du NDRRMC n’a pas été à la hauteur.
Le NDRRMC a la responsabilité de géré les risques liés aux catastrophes naturelles. Pour se faire, il est primordiale qu’il maitrise la communication autour de cet évènement de manière proactive. C’est-à-dire que c’est au NDRRMC de communiquer au public ce qu’il faut faire ou ne pas faire, les routes qui sont fermés, etc… Le lundi 15 on voyait plutôt les radios aller à la chasse à l’information, relayer ce qu’ils recevaient du public via les réseaux sociaux et en se basant sur les caméras de « Traffic Watch » de Mauritius Telecom.
La déclaration du Ministre de tutelle Anwar Husnoo, le dimanche 14 janvier, diffusé dans le JT de la MBC a fait couler beaucoup d’encre. Nombreux sont ceux qui ont jugé cette déclaration comme « misleading ». Cette déclaration qui avait été clairement écrite au préalable était mal structurée. Durant la majorité de sa déclaration le Ministre parle du risque lié à la pluie comme étant le principal risque représenté par ce cyclone et que de grosses averses sont attendus lundi. Cette partie était en fait ce qu’il fallait retenir de sa déclaration. Mais il termine en disant qu’il est probable que l’avertissement de classe 1 soit enlevé lundi matin. Cette information, en fait, est totalement inutile et hypothétique à ce stade et crée la perception que la situation n’est pas grave et fait les téléspectateurs oublier toute la première partie de son message.
Le message du Ministre avait été enregistré à l’issu de la réunion au NDRRMC du dimanche vers 17:00. Par la suite Belal commence a changé de trajectoire avec une tendance qui lui rapproche de Maurice. Le directeur de la Météo intervient vers 22:00 sur des radios et explique que la situation a changé. Suite à cela il ne semble pas avoir eut de nouvelle communication de la NDRRMC pour dire s’il y avait d’autres risques ou précautions à prendre. Très peu de personnes ont écouté les déclarations de la météo à 22:00 et lundi matin ont l’impression qu’il n’y a rien à craindre même si les écoles sont fermés comme cela arrive souvent en période de pluies.
Système d’alertes
Dans cette fameuse déclaration de dimanche soir, le Ministre Husnoo dit que si l’avertissement de cyclone de classe 1 est enlevé, un avertissement de forte pluie sera mis. Cette partie de sa déclaration a aussi soulevé beaucoup d’interrogations. Nous avons ensuite appris que dans notre système d’alerte mauricien on ne peut mettre deux alertes en même temps, par exemple avertissement de cyclone de classe 1 et avertissement de forte pluie. Donc le 15 janvier à 4:00, la station de vacoas maintient l’avertissement de classe 1 et dans son communiqué explique qu’il y aura des averses orageuses et des accumulations d’eau. L’information était là mais le maintien de l’avertissement de classe 1 donne l’impression au public que les risques n’ont pas changés.
Il est important aussi de souligner que le système d’alerte cyclonique à Maurice est basé sur le risque de ressentir des vents cycloniques, au-dessus de 120 Km/h et leur échéance. Le 15 janvier matin nous avons vu qu’il y a eu deux facteurs autres que les vents : les pluies diluviennes et la houle cyclonique. Ces deux facteurs étaient prévisibles.
Gestion multirisque
Quand mous regardons les décisions et les absences de décisions du 14 au 15 janvier, nous avons l’impression qu’il n’y a pas une approche multirisque à la gestion de crise. En tous cas, c’est ce que démontre cet extrait vidéo des délibérations de la réunion du NDRRMC du 14 janvier. La question posée se focalise sur l’avertissement cyclonique qui sera mis ou enlevé et donc considère uniquement les vents cycloniques.
Par ailleurs la décision de demander aux fonctionnaires de rentrer à 12:30 soulève des questions aussi. Le communiqué du ministère des Services Publiques justifie cette décision de par le risque de passer en classe 3 à partir de 16:00 mais demande d’appliquer le protocol « Heavy Rainfall » pour l’évacuation des employés. Il semblerait encore une fois que cette décision était uniquement basée sur l’avertissement cyclonique alors que la station météo avait déjà prévu des inondations.
Responsabilité
A mon humble avis les responsabilités pour le chaos du 15 janvier sont partagées. Mauvaises décisions des autorités, manque de communication, incivisme des citoyens qui bouche les drains, des employeurs qui n’ont pas de plan de gestion de crise… Il ne faut pas se perdre dans des débats interminables uniquement pour pointer du doigt les uns et les autres. Le fait est que, la République de Maurice et toutes les âmes qui s’y trouvent sont sous la responsabilité du gouvernement dirigé par le Premier Ministre et son Conseil des ministres. Un gouvernement responsable ne peut se satisfaire de ce qui s’est passé et se doit de lancer une enquête indépendante pour identifier les failles du système existants. Cela est propre à tout mécanisme de gestion de risques.
Des ‘flash floods’, il y en aura d’autres inévitablement et nous nous devons de mieux les gérer de même que tout autre désastre naturel. L’histoire retiendra qui a été responsable et qui a fui devant ses responsabilités.